camp terre, côté ouest.
Tes paupières sont relevées et tes iris contemplent le plafond de ta tente, les ombres de volatiles dansant là-haut. Des oiseaux chantent au dessus de toi et une douce mélodie s'élève dans les airs. Tu laisses libre court à ton imagination et tu t'inventes alors qu'ils parlent des derniers potins, du peuple du ciel. De ces intrus qui viennent d'arriver dans leur monde. Ils s'inquiètent mais à la fois, ils sont pris par l'excitation à l'idée d'avoir des hôtes. Parce que c'était un fait : vous n'étiez pas d'ici. Vous n'apparteniez pas à ce monde et chacun d'entre vous le savait. Vous vous sentiez comme des intrus, des émigrés venus coloniser une nouvelle terre. Une ancienne terre qui jadis, vous appartenait. Et elle était si belle, à la fois si chaleureuse et si dangereuse. Bien différente qu'expliquée dans vos bouquins. Et toi, tu profites de ce moment de calme. Tu essaies de l'apprécier et d'oublier toute la tension qui régit au sein du camp. Tu ne t'étais jamais dit qu'un jour, tu te ferais réveiller par le lever du soleil et les oiseaux chantants. Non, tu avais toujours connu l'éclairage parfois terne et lugubre de ta station et celles environnantes, tu n'avais non plus jamais entendu le son de la nature. Une nature vibrante, vivante et magnifique. Elle t'émerveillait autant qu'elle t'inquiétait. Tu n'étais pas aussi naïf que certains, tu avais très bien comprit qu'elle n'était pas si accueillante que prévue. Non, elle pouvait se révéler dangereuse et tes soupçons furent plus que fondés par les innombrables fois où des camarades à toi ont faillit mourir empoisonnés par des plantes, ou rien que par l'apparition de ces terriens. Des terriens vous ayant été révélés au retour de Lyra. Une des trois personnes du camp à s'être fait enlever du jour au lendemain par ces hommes. Une forte inquiétude vous avez unis, se transformant alors en sentiment d'effroi lorsque la brune était revenue, seule, vous expliquant ce qu'il s'était passé, là-bas. Alors certes, vous aviez été unis dans l'attente, cela vous avez rapproché. Jamais vous n'aviez réussi auparavant à être autant en accord, à être aussi soudés. Beaucoup se sont rendus compte des enjeux, de la dangerosité des alentours. Plus personne ne vivait cette aventure de façon légère désormais.
Depuis ce jour, personne ne dormait tranquillement. Vous vous étiez rapprochés et les tentes se remplissaient désormais de cinq à six personnes. Des tour de garde de l'entrée et des barricades de fortune du campement avaient été distribué à chacun et vous vous souteniez. Certains étaient sur le bord de la crise de nerf, d'autres avaient dans l'idée de se rebeller et partir seuls loin du campement. Mais si une cohésion entre tous restait présente, c'était grâce aux plus forts d'entre tous les cents. Ils ne faisaient pas forcément partis des soldats, mais ils aidaient à faire garder le moral au groupe. Ils les ramenaient à la raison, à la réalité. Avec douceur ou brutalité, chacun restait à sa place et participait à l'effort collectif pour garder une certaine sécurité dans le camp. Tu avais de la peine pour ces citoyens de l'Arche, ces prisonniers, si jeunes, envoyés ainsi à l’abattoir. Tu ne te faisais pas d'idées, tu savais très bien que sans une aide miraculeuse, vous étiez tous destinés à mourir. Même si toi et neuf autres soldats étaient là, même si vous aviez été entrainés avant d'arriver, personne n'avait prévu la présence de terriens en colère.
C'est avec cette sombre pensée que tu te levais aux aurores. Ton regard se posa sur les silhouettes endormies de Margaery et Aslinn, tes camarades de tente. Ce qui te manquait le plus de l'Arche était bien ton confort. Le fait de prendre une douche, d'être dans un lit, d'être en sécurité. Le manque de ta tendre mère ne se faisait pas ressentir. Tu partais du principe qu'un manque traduisait l'envie de la présence d'une personne avec soi et tu te refusais à vouloir de ta mère à tes côtés, ici-bas sur terre. C'était bien trop dangereux pour elle. Tu attrapais ton arc à moitié construit et ton sac à dos personnel puis tu quittais les deux endormies. Personne n'était encore levé et alors que tu longeais une rangée de tente, ton ventre exprima ta faim. Vous vous deviez de faire attention aux dernières denrées que vous possédiez sur le camp et tu te félicitais d'avoir gardé assez de baies depuis une dernière escapade en forêt. Cachées dans un tissu au fond de ton sac, tu te délectais de leur saveur tout en t'avançant vers le côté ouest du camp, l'endroit encore le moins exploité. Tu ne t'étais pas levé aussi tôt pour rien, ton tour de garde serait bientôt et tu désirais t'entraîner. Alors, tout en mangeant par pure et simple gourmandise, quelques baies de couleurs sombres en plus, tu aiguisais ton couteau avant de t'entraîner au lancé sur un arbre mort.